Les liens de vie

En juin 2012, juste un mois après le décès de mon mari, je reprends le travail. Je suis complétement perdue, la vie n’a plus de sens.

Mme Sourire vient d’entrer à la maison de retraite et reste prostrée dans son lit. Elle est tout aussi déboussolée que moi et complétement isolée dans sa maladie d’Alzheimer.

Et voilà que nous nous sommes rencontrées quelque part dans cet espace où les âmes se parlent sans mots. 

Chacune a redonné du sens à la vie de l’autre.

Depuis ce temps-là, Mme sourire incarne la joie de vivre, l’humour, la gentillesse et la foi malgré sa maladie qui progresse, les mots qui s’enfuient et cette mémoire qui flanche. 

Chaque soir je l’accompagne dans son hymne à Marie, une prière chantée où sur le bord d’un lit, je l’aide à se recueillir paisiblement avant la nuit effrayante.  

Trois années ont passé et Mme Sourire est en train de mourir.

 Pour qui prend le temps d’être encore avec elle, il y a toujours de la vie. 

Il y aussi cette communication si particulière de la fin et du passage. 

Elle est partie et deux jeunes aides- soignantes l’entourent  de leurs derniers soins attentifs.

Chaque mort est un partage tellement intime

entre le soignant et la personne tout juste défunte.

Elle repose maintenant sereine. Les jeunes femmes pour respecter ses souhaits ont mis une croix dans ses mains et en hommage sa bible sur le chevet.

Un bouquet de tournesols déniché quelque part apporte le soleil dans la petite chambre redevenue tranquille. 

L’atmosphère est calme et apaisante, Mme Sourire

sourit dans son masque de mort.

Et voilà que surgit du cœur de l’équipe, le besoin de réciter cette prière qu’elle aimait tant, juste  pour elle.

 
Je vous salue, Marie pleine de grâce ;
le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus,
le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
priez pour nous pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort.

Amen.